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On est loin des poncifs sur « le terroir » et autres balivernes parfumées à
l’ail. Et puis, s’il était soucieux de faire entendre les voix du passé, Jean
Rambaud était aussi bien décidé à défendre les innovations qu’il jugeait
bénéfiques. C’est ainsi qu’il s’est ingénié à mettre en valeur des procédés,
des méthodes, dont le grand public ne savait pas encore qu’ils relevaient
de l’écologie. Ecrire, il y a plus de 30 ans, dans un journal national
d’envergure, un article élogieux sur un éleveur de Baumurges (hameau
perdu en Haute-Provence) fabricant d’« herbe à moutons », soit de
fourrage hydroponique ; donner en exemple, à la même époque, le
lagunage de Porquerolles, en lieu et place des stations d’épuration prévues
sur la côte
«
qui n’épurent pas tout et jettent l’eau propre avec l’eau du
bain »
ou encore la fabrication «d’essence de broussailles» donnant « gaz
et électricité de broussailles » dans le Haut-Var : du journalisme de bon
sens et de militant, en une décennie où la défense de l’environnement dans
un pays de grand soleil à forte potentialité touristique, était considéré
comme «lubie d’intellos» habités par l’envie d’empêcher les propriétaires
fonciers de s’enrichir, et les bétonneurs de bétonner. Ça ne lui attirait pas
que des faveurs et des amis, ça non. Mais ça l’amusait : les faveurs, il s’en
moquait et ses amis étaient donc sincères. Tout lui : pas impressionnable
pour un sou, têtu comme un bas-alpin, et journaliste avant tout.
Jean Rambaud serait-il heureux où déçu s’il revenait aujourd’hui sur ses
propres pas ? À la défense de quelle cause provençale offrirait-il sa
plume ? Qu’est-ce que lui semblerait nécessaire de montrer, souligner,
promouvoir ou critiquer ?
Tout honnête homme peut se poser ces questions.
Tout journaliste, me semble-t-il, devrait se les poser.
(1) «
En Provence avec « Le Monde », tome 2. Edisud. 1984
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