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Poésie combattante, tumultueuse comme l’Histoire.
Rumeur fluviale parfois domestiquée, amarrée à couple avec de très
reconnaissables navires :
«
Mes chasses m’ont traqué en de sombres impasses
Où la nuit se gavait d’affolantes odeurs.
Dans une friche en feu, sous un ciel qui menace,
J’ai pleuré l’hallali de mes vieilles candeurs.
» (4)
Ou bien clameur imprécatoire propulsée d’onde en onde, à boulets rouges,
sans haleurs ni débarcadères, «
sur ce fil qui joint son cœur à la terre et la
terre aux astres
» (5).
Il n’est déjà plus ici question d’Arthur Rimbaud : «
Je suis votre proche
»,
lui
confirme René Char, admiratif, à la lecture de «Convoi».
Mais la guerre finit un jour par s’achever, le temps peut reprendre son temps.
Avec la durée retrouvée, Rambaud s’orientera vers le journalisme, le roman, la
chronique : métiers de longue haleine, disciplines d’endurance qui, en outre,
permettent de «vivre de sa plume». Puisque même les poètes ont quelquefois
besoin de bouffer.
S’il écrira toujours de la poésie, il n’en publiera plus guère. Hormis, en 1951,
une sporadique « Vie à Jules » (La Lucarne). Quelques réminiscences « D’amours
et d’autres » (1992, Autres temps). Et, en 1998, une pincée de diaphanes
«
Chansons pas chères » (Autres Temps) où, sur des dessins de Colette Chauvin,
la jeunesse, bras levés, vient enfin déposer les armes :
«
Ne te fie pas à l’apparence.
Même la mer n’a pas toujours été là.
»
La poésie, c’est l’os. C’est ce qu’il demeure d’une oeuvre quand tout le reste
est retourné au silence. Bien au-delà de quelques vers d’adolescence, c’est
aussi ce que tous les écrits de Jean - romans, nouvelles, reportages - nous
exhortent à conserver d’eux : peut-être, simplement, de loin en loin, l’éclair
humble mais fulgurant d’un incroyable instant de grâce. Ainsi, en gare
d’Annot, cette miraculeuse escale du Train des Pignes où «
quatre personnes