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Atsuko NAGAÏ
Les formes brèves chez Pierre Caminade :
l’esprit du haï-kaï
Pierre Caminade et ses poèmes brefs
Après des siècles de versification classique, la modernité de la
littérature consacre le « poème libre
1
».
Les vers, tantôt très longs,
tantôt très courts, sont disposés avec une grande liberté comme le
montrent « Un coup de dés » de Mallarmé et les calligrammes
d’Apollinaire.
Pierre Caminade (1911-1998) a écrit lui aussi des poèmes de
forme très variée, y compris en prose. Dans
Se surprendre mortel
(1932),
son premier recueil, plusieurs textes ont des vers courts
richement espacés. Il en est de même pour les ouvrages publiés après
la seconde guerre mondiale. Je vais y consacrer cette étude car il me
semble que ces poèmes brefs et concis nous montrent, paradoxalement,
l’un des aspects les plus riches de sa création poétique.
Deux éléments témoignent de l’intérêt de Caminade pour les
formes brèves et nous amènent à penser qu’il les a introduites
volontairement dans son œuvre. D’abord, dans une communication
intitulée « La métaphore bicéphale
2
» (1984),
il montre que cette figure
de style – par ailleurs un des sujets principaux de ses recherches
littéraires – est en quelque sorte une forme brève comme le sont
l’aphorisme, l’épigramme et le proverbe. Et il rappelle que la
rhétorique classique a nommé la métaphore
similitude brevio
,
soit
comparaison abrégée. Ensuite, dans son ouvrage
D’une parole l’autre
(1989),
il dédie six poèmes courts (de 4 à 6 vers) à son ami Yves
Broussard, « en écho à
Paroles de Silence
3
»
dont la plupart des textes
comportent moins de 10 vers, d’une grande sobriété d’inspiration et
obéissant « plutôt à une poétique de l’observation
4
».
Sans délimiter d’une manière rigoureuse le corpus de cette
étude, je vais m’intéresser aux poèmes de Caminade dont le nombre
de vers et la longueur sont si restreints qu’on peut mettre tout le poème