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sous un seul regard et que leur lecture exclut la temporalité tout
comme les inscriptions lapidaires. Toutefois, l’instantanéité de la
lecture ne signifie pas nécessairement celle de la compréhension, les
poèmes courts demandant quelquefois une longue méditation pour les
goûter. Je vais y revenir.
Par ailleurs, à propos des poèmes brefs de Caminade, on ne
peut s’empêcher de trouver à cette forme minimaliste un certain
rapport avec le « haïku », une forme poétique japonaise de 3 vers
contenant au total 17 syllabes (5-7-5), ceci d’autant plus que le poète a
mis dans
Corps à corps
(1945)
un poème de 2 vers dont le titre est
justement « Haï-kaï » :
Ta voix contre le roc
Est-ce voile latine ?
Caminade n’a pas essayé de transposer les règles du haïku dans
la langue française et il n’est pas, non plus, à l’origine de l’intérêt des
poètes français pour cette forme. C’est à la fin du XIX
e
siècle que les
occidentaux ont commencé à la découvrir avec admiration. Paul-Louis
Couchoud (1879-1959) fut le premier en France à présenter et à
traduire, dès 1906, des haïku dans son article « Les Epigrammes
lyriques du Japon
5
»
utilisant le terme « haïkaï »
6
.
Depuis, en plus de
Paul Claudel qui avait acquis une grande et solide connaissance de la
littérature classique japonaise, des écrivains français tels Jean Paulhan
et Paul Eluard ont été attirés par cette forme courte et simple
7
.
Les études de Couchoud sont devenues l’une des sources
principales d’information y compris pour les Anglais et les Américains,
notamment pour les « Imagists » auxquels se rattachait Ezra Pound
qui a introduit l’esprit et la forme des poèmes orientaux dans sa
création rénovatrice. Après la seconde guerre mondiale, des écrivains
américains, en particulier ceux de la Beat Generation comme Jack
Kerouac (1922-1969) et Gary Snyder (1930-), ont manifesté un grand
intérêt pour la pensée orientale et se sont inspirés de la forme du
haïku
8
.
Certes plus jeunes que Caminade, ils ont écrit dans les années
1950
et 1960 des textes dont la forme est proche de celle de certains
de ses poèmes.
Ainsi, l’introduction du haïku dans la littérature occidentale
coïncide avec l’émancipation de la poésie vers une plus grande
modernité. Quant à Caminade, il ne privilégie pas cette forme
poétique, et s’il ne s’agit pas, ici, d’identifier ses sources, on va quand