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même voir, d’une part, ce qu’il a réalisé avec cette forme restreinte et,
d’autre part, ce qu’il y a de commun entre ses poèmes, certains haïku
japonais et les poèmes courts de la Beat Generation.
L’improvisation ou la ciselure
Caminade fait apparaître souvent des éléments proches de lui,
pris dans son environnement, par exemple la mer et le ciel ou encore
les êtres vivants et les choses simples de la vie quotidienne ainsi que
les sensations brèves mais fortes qu’ils ont provoquées en lui. Sa façon
de les présenter échappe non seulement à l’ornement solennel et
romantique, mais aussi à l’abstraction conceptuelle. D’un point de vue
formel, on ne sent aucune recherche de musicalité émotionnelle et
lyrique. Au contraire, la simplicité, la sobriété et la quiétude dominent.
Ainsi, ses poèmes sont en soi une antithèse aussi bien du panache
classique que de l’hermétisme moderne.
Cependant, la sobriété et la simplicité ne proviennent ni de
l’improvisation ni du caprice. La brièveté du haïku nous fait penser,
souvent faussement, à un coup de pinceau qu’un génie jetterait à
l’improviste ou à un petit soupir sorti de la bouche d’un ermite. Mais
on sait par exemple que Bashô (1644-1694), l’un des plus grands
maîtres et rénovateurs du haïku, avait l’habitude de rectifier bien des
fois, pour les améliorer, non seulement ses propres poèmes mais aussi
ceux de ses disciples. Il nous semble, de même, que Caminade a profité
intentionnellement de la brièveté de la forme pour s’imposer de choisir
rigoureusement les mots et construire des poèmes denses et bien
ciselés. Si les poètes de la Beat Generation, tout autant que Caminade,
ont recherché la simplicité, ce dernier paraît plus attentif à la
construction du texte que ces poètes américains. Lisons par exemple
«
Quatrain ».
Dans l’herbe sèche, je veux mourir
M’a dit ma belle,
Parmi les cris des sauterelles
Voici les cris de mon mourir.
Corps à Corps,
1945
Le plaisir sensuel suggéré par l’union de la nature et de l’amour
est inséparable de la sensation aiguë de la mort, instantanément
éprouvée. Celle-ci nous rappelle la notion de « syncope » chez
Catherine Clément, présentée par Caminade dans son article sur Paul