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du poème, la partenaire cosigne les textes : « Entre soi est un entre-
deux qui ne font plus qu’un ». Or, si d’après Leperlier, du pluriel
subsiste dans cet
entre
signifiant l’intervalle, un pas n’est-il pas franchi
en publiant à part les deux textes, fragments et photos ? Ici,
brièvement, avec peu, tout est obtenu ; pour ces passants l’
un
s’est
accompli. Jusqu’au bleu uni, mer et ciel, couvrant l’ouvrage.
Recourons pour finir à ces jeux verbaux empruntés à la
phonétique et à l’étymologie. Entendons dans le doublet
fil / ficelle
l’euphonie
il / elle
bien unis, serrés, l’un contre l’autre, l’un en l’autre.
Il s’agit d’une invention et d’un ouvrage à deux que cosignent la
préposition
de
(
où s’entend le chiffre 2), les consonnes
fc (fecit)
et le
mot
facteur
:
faiseur, auteur
11
.
Vicinal, vicinité
disent les proximités,
évoquent un penser ensemble, une intelligence des mots.
Dans l’entente, dans les noces du verbe, là est le joy d’amor, là
joue l’éros dans l’étreinte du dit et du non-dit, dans l’amour libre des
idées. Volonté d’un homme et d’une femme d’« aller ensemble au-delà
du soi menacé » et « d’épouser un autre monde »
12
.
Alors, elle est retrouvée, quoi ? L’unité. Celle du sujet en état
esthétique. La trouvaille scelle cette union dedans dehors. C’est
pourquoi la joie déborde : « Nous nous sommes regardés, nous avons
ri aux éclats »*. Sagesse et vanité : tout ne tient qu’à un fil, à un rien !
Et les deux textes se dénouent en questions.
Formes originales, happées par le hasard et la terre, chacune d’elles multiple
si l’on tourne autour, comme à vol d’oiseau, plastiquement achevée et
dérisoire, n’étreignant plus rien maintenant, et signant, se gravant, ou
alanguie à la poussière, isolée en nœuds et méandres, enlacée, serrée à elle-
même, unique, signant, sur cet espace infime, l’absence, l’oubli, un bizarre
pourquoi pas.*
Quête d’un pôle, d’un axe, la poésie s’est faite dans la proximité.
Tant de plis et preuves d’amour frayeront-ils une lecture, des lecteurs
connivents : « mais l’écheveau ? »*
Les Ficelles
délivrent ainsi au tressage de l’art et de la vie, un
nous. Le simple obtenu en fin de parcours n’est pas dénouement, ni
fin. Aux ajours de l’
évidance
surgit, éternellement, le présent provident
à qui sait le recevoir.
Sous une forme minimale, à proximité du silence, s’est
condensé un art poétique, effectif. En quelques pages, quelques lignes,
quelques vues, au travers du fil métaphorique, un monde intime s’est