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produisent des ébauches d’opéras ou de spectacles […], susceptibles
de mobiliser la jeunesse européenne dans un culte fervent de l’amour
et de l’utopie sociale ».
Atsuko Nagaï, quant à elle, envisage cette écriture de l’être au
monde par-delà les temps et les courants littéraires. L’expression
minimaliste des formes brèves l’intéresse. Elle compare l’écriture à une
ascèse, plaçant le poète directement en contact avec le cosmos et avec
la Nature. Il en résulte une position radicale, qui va à l’essence même
des choses, attitude trans-courants, trans-espace/temps, qui relie
Caminade à Bashô et à l’art du haïku d’un côté, et annonce la Beat
Generation américaine de l’autre.
Cette tendance à la sobriété est aussi ce qui interpelle Martine
Monteau. Elle apprécie « cet art du peu » et se penche sur la démarche
esthétique des
Ficelles de facteur
.
Elle analyse le mécanisme de la
«
poétique instantanée » qui conduit Pierre et Madeleine Caminade,
au vu de l’humble « fil de chanvre, vrillé sur lui-même », de l’énigme
au jeu, puis de l’extase à l’analyse. Ce dernier recueil, composé par le
poète lui-même en 1991, associant photos et textes, n’est publié qu’en
1999,
comme un hommage de ses amis, un an après sa mort. Il montre
sa volonté de coupler étroitement esthétique et poétique, axe majeur
de l’écriture et de la vie quotidienne.
Robert Bonaccorsi en témoigne, mettant en valeur le rôle actif,
créateur et réflexif, « fusion du critique, du philosophe et du poète »,
que Caminade tient dans la région toulonnaise durant un demi-siècle.
«
Tout va se jouer dans une dialectique subtile où l’enjeu esthétique
se pense dans la réflexion et l’action et trouve son dépassement dans
l’écriture comme principe de vie ».
Après cet aperçu – gros plan sur un coin de voile levé – il reste
encore tant à faire que nous engageons les jeunes générations à suivre
les fils d’Ariane que propose la vie exemplaire de Caminade. Trois
directions seraient à prendre. D’abord la notion d’éros, fondamentale,
source de la vie et de l’œuvre, mériterait une exploration sous l’angle
des humanités comme sous l’aspect surréaliste, annonciateur des
idéologies de libération du XX
e
siècle. Ensuite, il faudrait voir, dans le
processus créatif même, comment se fait l’accord des pôles
antagonistes, comment Caminade associe le jour/la nuit, ici/ailleurs,
enracinement/élan, action/réflexion, extase/analyse… Enfin, et
assurément synthèse entre ces deux plans, il manque encore l’étude
indispensable de la place et du rôle de Madeleine, celle que le poète