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épicurien. Le vin aidant, il racontait volontiers son enfance, le temps du
bahut, ses débuts difficiles à Paris, les kilos de vaches maigres ingurgités
en compagnie de sa chère Lilette. Il en gardait pourtant un bon souvenir,
ayant la joie de vivre au cœur et l’humour au coin des lèvres. Souviens-
toi d’écrire toujours « allègre », me disait-il, si tu veux qu’on te lise avec
plaisir… Et d’allégresse, Jean en avait à revendre, dans la vie comme dans
samanière d’écrire. Nous continuâmes la publication de « Ça s’est passé » avec
l’ami Gabriel Jauffret venu nous rejoindre, quatre volumes où l’on peut
faire de belles découvertes. Jean préféra ne pas participer au dernier tome,
occupé à écrire un nouveau roman. Pour écrire un roman, disait-il, il faut
penser à tout moment et ne penser à rien d’autre, tout juste à boulotter et
à dormir. Par la suite, nous avons figuré côte à côte dans maintes journées
du livre, ce qui permettait à Jean d’arpenter la salle ou le chapiteau en
faisant un brin (un gros brin) de causette avec nos collègues écrivains. Il
en connaissait bon nombre et pas des moindres, allant jusqu’à persuader
un jour le prix Goncourt Patrick Rambaud qu’ils étaient sûrement cousins,
comme tous les Rambaud !
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Jean Rambaud et Antoine Marmottans