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médiocre réalité. Seule particularité car ces personnages sont falots,
simples, sans ambition, indécis, timides, se cherchent une identité ou bien
si gonflés de leur vanité qu’ils sont rattrapés par la triviale réalité. Parfois
la mort rode, survient. Le plus souvent leurs rêves éveillés les plonge dans
un bonheur intense, quasi charnel et proche de l’extase.
Chacune des quinze nouvelles a pour titre le prénom de l’individu-
personnage, parfois accompagné d’un nom, d’un qualificatif, d’un
sous-titre. Leur âge est mentionné entre parenthèses et ils ont entre 7 et
83
ans. Il s’agit d’une galerie de portraits d’hommes (deux seulement sont
du genre féminin) à travers lesquels Jean Rambaud visite tous les
registres : étrange, humoristique, réaliste, tragique, loufoque, onirique,
merveilleux… « dégâts et merveilles » : « En cette très brève période de
l’histoire des hommes - que certains appellent xx
e
siècle après Jésus-Christ
-
du globe terrestre, du système solaire, de l’univers en général, Onésime
était l’un des vivants du moment parmi quelque cinq milliards d’autres,
point final (sachant qu’en l’an 1000 de la même ère ils étaient grosso modo
250
millions à peine, dit-on, de la même espèce sur la même planète)»
comme si dans l’infiniment grand, il s’était saisi d’une loupe
d’entomologiste pour observer de plus près les comportements minuscules
de l’espèce humaine.
En
Espèce de préface
,
Jean Rambaud avise le lecteur de la problématique
humaine qui l’occupe : l’insatisfaction de sa condition, la résignation,
l’évasion par le rêve : «Depuis Julien vivait à la frange, au bord de toutes
choses. C’était bien assez. Un jour de déraison, il s’était rêvé, comme un
autre, en Flaubert Gustave, mais tous contes faits, ses rêves préféraient
l’ombre à la proie ».
Le recueil se termine en retour de boomerang sur une note optimiste en
Espèce d’épilogue :
«
Comment c’est arrivé ? Il ne cherche pas à savoir
Joseph. C’est arrivé. « Tout ce que l’homme peut imaginer sera ». Qui a
écrit ça ? C’est un poète, oui. C’est un Russe, Pasternak. Sera : tout ce que
l’homme peut imaginer, éveillé ou en rêve. Pas seulement ce qui est arrivé
à Joseph, cette petite histoire trop banale. TOUT. Faut s’enfoncer ça dans
la tête, une bonne fois pour toutes ».
Avec ces deux références littéraires : Flaubert, le romancier et Pasternak,
le poète, Jean Rambaud n’évoque-t-il pas sa propre condition d’écrivain
et d’homme ? Ne nous dit-il pas, à nous lecteurs, que l’écriture (et la
lecture), par leur dimension imaginaire, par l’ouverture sur d’autres vies
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