Page 22 - Mise en page 1

sur les neiges d’en haut ; alors les filets d’eau claire qui se faufilaient dans
un lit bien trop grand pour eux, entre galets, gravettes, îlots secs,
deviennent torrents fou. Ou, entre deux mois de Sahara, le ciel s’écroule
en déluges, en fracas, en foudre, n’importe quand, sans préavis. Elle est
née de ce pays. Il est beau. Elle est belle. Visage tracé net, regard bleu de
glace, regard qui brûle comme glace, corps droit, corps ferme avec des
courbes soudaines, douces, comme au pied de la falaise aride, le pré
inespéré, vert tendre, où les fleurs compactes éclatent avant de mourir vite. »
(
Château fou,
inédit
)
Que ce soit un élément soudain modifiant le parcours des personnages ou
le poids de leurs racines, leur vécu, moteurs profonds des actes des
protagonistes, c’est à ce double titre que les nouvelles de Jean Rambaud
sont exemplaires. L’ensemble de sa production et de son écriture manifeste
une sensibilité extrême à l’amour et à la beauté, en particulier de la femme
et de la Provence, à leur fragilité et fugacité ; mais aussi curiosité, don
d’observation et reconnaissance de l’autre et du monde, et encore
simplicité, humilité et discrétion, concision, espiègleries, jeux de mots,
connivence avec le lecteur, humour et dérision.
L’écrivain aurait pu nous « dire » encore beaucoup de «
choses
».
Il ne se
pose pas en philosophe ou porteur d’un message mais en fin observateur
de son temps qui nous transmet l’essentiel, c’est-à-dire l’amour de la Vie
et, sous une apparente légèreté et une tonalité méridionale, sourd la zone
d’ombre des choses plus profondes. Tout l’art du nouvelliste réside, là
aussi, dans l’ellipse et la suggestion.
L’homme-écrivain Jean Rambaud avait gardé de l’enfance le cœur et les
graines et s’il ne se berçait pas d’illusions, il ne cessait de porter en lui ses
rêves pour nous les transmettre.
21