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Gabriel JAUFFRET
Le grand retour à Toulon,
Jean Rambaud découvre la mer et les marins
A Brest on est sur l’eau. A Toulon on est au bord de l’eau. Sans doute
aurait-on pu appliquer à Jean Rambaud ce dicton un peu amer qui
fleurissait jadis sur les lèvres de tant d’officiers de marine. Gavot enraciné
dans les hautes terres provençales, là où le lavandin et l’épeautre se
disputent avec les cailloux patinés par le temps. Jean Rambaud ne
connaissait dans son enfance que l’étroite frange littorale fréquentée par
les pêcheurs. De brèves escapades à Magaud, aux Sablettes, le démaillage
des sardines sur les quais, l’appareillage des paquebots suffisaient à sa
curiosité… A leurs odeurs iodées, les étals de la poissonnerie retenaient
son attention, mais il était plus sensible au sens de la répartie des
poissonnières dont les apostrophes salaces étaient bien connues qu’aux
couleurs des girelles et des rouquiers.
Au lycée son chemin allait se croiser avec celui d’Alphonse Canessa
auquel il voua une vive amitié. Derrière les murs austères du vieux bahut
napoléonien du boulevard de Strasbourg, Jean Rambaud rongeait son frein
et Alphonse Canessa cultivait sa mélancolie. Fils de patron pêcheur établi
à Porquerolles il supportait mal d’avoir quitté son île et ses calanques et il
en souffrait. Il s’en ouvrait auprès de Jean Rambaud qui compatissait, mais
dont la soif de liberté trouvait au lycée et en ville bien des exutoires. Il
faudra attendre la parution en 1985 de «Rue du Phare ainsi vivait-on à
Porquerolles» un livre de souvenirs et de piété filiale publié par Alphonse
Canessa alors ingénieur général d’agronomie, pour que Jean Rambaud
découvre nos gens de mer, les richesses secrètes portées par son ami.
Quand il décida de son grand retour à Toulon, Jean Rambaud qui avait
pourtant suivi les métamorphoses de sa ville ne la reconnaît pas. La ville
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