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explicitement politique.
Mais cette conception de la politique est tout à fait neuve en
1941,
et c’est celle d’un poète : ni revendication syndicale ou
corporatiste, ni même volonté de prendre le pouvoir, elle exprime le
rêve impossible d’un « ailleurs », d’une « vraie vie » aussi indéterminée
qu’inaccessible. Cette quête d’un horizon
utopique
qui serait celui du
peuple en marche, veut-elle s’inscrire dans l’imaginaire, comme chez
Baudelaire, Rimbaud et les surréalistes, ou dans le réel ? Que pourrait
être cet horizon lointain dont rêvent les foules ?
Le texte suivant dont le titre, avec sa redondance curieuse, est
peut-être à entendre comme un cri exaspéré du désir, relance la quête
d’espérance, non plus cette fois-ci par la science, mais par un appel
direct à « changer la vie », selon le mot d’ordre rimbaldien
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,
l’amour sera l’opérateur décisif.
«
Ailleurs.
AILLEURs
».
Changer la vie
L’argument d’une étrange scénographie
Un prologue nous met l’eau à la bouche. Ecrit comme un
pastiche de la préciosité mallarméenne – « Dans ce poème, ce cher, il
y a déjà (…). Quelle merveille ce : ô cultivateur »
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–,
il ressemble à un
boniment de parade ou de foire, où l’annoncier vante son spectacle
pour attirer les badauds censés y assister, dans un parc, au crépuscule.
Rappelons le scénario proposé. La foule est composée de jeunes
gens, des couples surtout ; des voix cosmopolites célèbrent « l’ailleurs »
en diverses langues ; une voix lit alors des textes poétiques en prose,
d’un lyrisme exalté. Le spectacle s’anime ensuite peu à peu, avec de
jeunes garçons et filles costumés qui distribuent des cartes postales de
tableaux, lesquels vont être mimés avec un accompagnement musical,
puis joués par les acteurs que la musique a tirés de leur torpeur, tandis
que la foule chante au son d’une musique de plus en plus forte. Le script
s’interrompt alors, comme si l’événement devait se poursuivre de façon
improvisée, porté par sa dynamique propre.
Un message fidèle à l’esprit et à la lettre du surréalisme
Or, si notre texte porte essentiellement des indications
scénographiques, deux éléments s’en distinguent en ce qu’ils véhiculent