Page 17 - Mise en page 1

15
un message, l’un explicite, les passages de romans, l’autre plus allusif
et codé, le programme iconographique comportant noms de peintres
et titres de tableaux. Que disent-ils ?
Les extraits des romans sont des hymnes à l’amour empruntés
au
Paysan de Paris
et à
Anicet
de Louis Aragon.
Eros
y est donné
comme apte à résoudre toutes les apories de la raison, à réunir ce qui
est séparé, et même à garantir une extase provisoire :
«
Suprême abolition des catégories, l’amour rendait tout aisé, tout docile, nous
n’avions plus de limites à nous-mêmes au moment qu’il s’accomplissait… ».
L’amour se trouve aussi associé à la révolte d’abord, comme
chez Rimbaud et chez Breton, et à la poésie puisqu’il arrache à la prose
du quotidien. L’un comme l’autre sont donc un mode d’accès privilégié
au « réel », appelé ici « concret », et qui semble évoquer l’onirique,
l’au-delà
,
le
rêve
ou le
fantastique
.
Voilà donc la religion de l’amour que ce texte d’un lyrisme
hyperbolique entend, par une pratique de détournement, proposer aux
jeunes gens de l’assemblée, jeunes couples, voire « jeunes garçons et
filles » réunis dans le parc et attirés par le spectacle. Etonnant
programme politique ! On se croirait à Hyde Park, si le crépuscule et la
musique n’étaient censés agir sur l’imaginaire oumême l’inconscient pour
favoriser l’émergence d’un rêve partagé d’ « amour » et de « révolte ».
Le second vecteur de cette séance d’hypnose collective, ce sont
les tableaux, là encore
détournés
,
qui proposent des images plus ou
moins insolites, des rêves déjà ordonnés, comme dans une salle de
cinéma ou un théâtre d’ombre joué devant une toile de fond (le
prologue se référait d’ailleurs au septième art). Ces tableaux sont
d’abord présentés sur des cartes postales, en modèles réduits mais
phosphorescents. Devant la toile de fond qui expose l’image agrandie
d’un Max Ernst, les tableaux sont ensuite mimés puis joués.
Ils mêlent deux périodes et des registres apparemment
incompatibles de l’histoire de l’art : des tableaux classiques du XVII
e
au XIX
e
siècle, avec des sujets chrétiens ou païens, réalistes,
mythologiques ou mystiques, et des oeuvres symbolistes (Rops) ou
surréalistes (Ernst et Dali). Faut-il y voir une intention allégorique,
qui opposerait une réalité douloureuse (« Le Prisonnier », « La Cruche
cassée ») aux délices de la féerie et de l’onirique le plus débridé (Dali
ou Ernst) ?Mais alors, que faire des «Moissonneurs » et de « l’Angélus »
de Millet ? Ces chromos apparemment réalistes ont en vérité