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Martine MONTEAU
Ficelles de facteur
,
une poétique instantanée
J’ai choisi de présenter
Ficelles de facteur
,
un livret modeste
qui s’ouvre et se clôt sur une page de texte (
1
et
2
)
enserrant neuf
photographies en noir et blanc réalisées (en couleurs) par Pierre et
Madeleine Caminade en 1991
1
,
avec en regard des fragments du
proème. Le recueil est paru, à 500 exemplaires, sous la signature du
couple, pour l’hommage rendu au poète à la bibliothèque municipale
de La Seyne-sur-Mer le 18 novembre 1999.
Sa sobriété m’a touchée. L’œuvre minimale qui ouvre notre
regard sur l’humble nous livre, sans y paraître, une expérience
poétique, circonstanciée. Je propose de suivre à travers l’entrevision
métaphorique la démarche d’Ariane-Orphée. Un couple s’écarte, se
penche sur une énigme et, dans un éclair esthétique, saisit des
méandres et du virement l’unicité. Son geste électif et collecteur de
traces nous garde le passage.
En cet art du peu, l’élément minuscule retient le regard poète.
Le futile prend pour « l’œil sauvage » et instruit une dimension
euristique et anthropologique. Le sujet qui s’étonne va donner
intelligibilité ouverte à la rencontre révélante. Orbes, détours et tropes
viennent suggérer ce que le
je
veut dire.
le réel, la circonstance
Au commencement est posé le contexte politique mondial : ce
jour, 16 janvier 1991, la guerre du Golfe est proclamée. Le qui-vive et
l’abattement planent avec l’éternel retour du combat qui agite les
hommes. Les esprits s’inquiètent ; l’inacceptable s’ajoute au sentiment
d’impuissance : « L’horreur là-bas et dans notre cœur. Double bind
jumeau. »*
Au conflit qui déchire les camps, qui s’annonce dévastateur,
réplique alors un micro événement porteur d’espoir. Détournant de la
gravité de l’heure, l’imprévu atteste de ce qui nous dure.