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et claires. Olive Tamari, dans sa composition très vernie des volutes noires
sur fond bleu à peine attendrie par un pointillisme orangé-rouge et une
minuscule lune, atteint à son tour à cette synthèse d’un certain féminin
tourmenté et d’une certaine certitude masculine et bleue
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.
Il suit avec amitié le parcours d’Albert Ayme en faisant part de
l’évolution de son jugement. Ses réserves initiales liées à l’évocation
de « l’insistance linéaire de Bernard Buffet » le conduisent à visiter
l’atelier, à débattre avec l’artiste, à approfondir son approche de
l’œuvre dans l’échange et la confrontation.
En entrant dans la pièce de séjour, on est aussitôt attiré par une nature morte
qui représente un papillon, un machaon, et quelques feuilles de lierre
soutenues et dispersées par un verre. Nous avons aussitôt regretté qu’Albert
Ayme ne l’eût pas exposée : elle interdit en effet toute confusion. Les feuilles
sont d’un vert tendre qui donne une impression de fraîcheur démentie
partiellement par la forme des feuilles qui semblent mourir déjà de
sècheresse et par une double anomalie : leur petit nombre et leur
rassemblement en un bouquet dans un verre. Le verre est un gris où un vert
secret se module
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.
Cette pratique du dialogue constitue un élément fondamental
de sa démarche critique, une approche matérialiste refusant les
apriorismes au profit d’une connaissance dialectique, conceptuelle et
sensible de l’œuvre. Elle implique aussi la plus grande courtoisie et le
respect mutuel. Une lettre adressée au peintre Henri Didonet le 19
mars 1958 traduit ce constant souci de juger sans blesser,
d’appréhender une œuvre dans son mouvement interne.
Je ne vous donne pas que des éloges, je parle de vous sans hypocrisie, car
vous le méritez. Si vous pensez que mes observations vous gênent, considérez
qu’elles ne sont que personnelles, émanant d’un individu limité, sujet à
l’erreur et que tout ou presque est préférable au silence. C’est déjà un succès
d’avoir le Musée, et devant la jalousie de certains, j’ai failli prendre
systématiquement votre parti : ça n’aurait pas été honnête. En Art, les
intentions ne sont pas comptées, ni comme ailleurs les idées qu’on se fait sur
soi et sur ses œuvres. Mais je dois m’excuser d’abord de n’avoir pas parlé de
votre touche qui mérite un examen : la place dans un journal quotidien n’est
pas démesurée. Je ne suis pas allé, dans cet article, jusqu’au bout, ni dans le
sens de votre drame, ni dans ma critique. La confiance que je sentais que
vous me témoigniez, que votre lettre a confirmée, m’a amené à écrire que
souligner les profils et les contours de noir était inadmissible. Ce qui fut
découverte par Rouault, Lhote, etc.…, qui fut vulgarisé entre 1942 et 1947
par les jeunes peintres que j’ai rencontrés à Paris, n’est plus qu’un truc,
même si vous l’avez découvert par vous-même (ce qui rend dramatique pour
un jeune peintre de ne pas travailler à Paris). Vous avez profilé en noir parce