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que vous n’avez pas su résoudre la contradiction picturale entre votre vouloir,
qui est intéressant et sympathique, d’un thème unique (le bleu, le gris) et le
problème de la distance, du relief. Il n’y a objectivement, à l’heure actuelle,
que deux solutions principales : le modèle classique ou la modulation de
Cézanne ou bien affronter l’abstrait – à quoi vous pousse votre désir
émouvant de dépouillement. Je conçois que cette alternative vous déchire.
Alors ? Alors, il faut trouver autre chose. Quoi ? C’est à vous peintre, à nous
le révéler
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.
Ayant eu le privilège de travailler aux côtés de Pierre Caminade
dans les dernières années de la revue
Etraves
,
je peux témoigner de
ce souci constant du dialogue. Je garde le souvenir d’un échange à
propos des intentions qui « ne sont pas comptées » en art, (je soutenais
qu’il était tout de même nécessaire d’en tenir compte) et qui s’était
prolongé sur le rôle de la critique, Pierre Caminade me confiant qu’il
choisissait le plus souvent de ne pas écrire sur un artiste qui le laissait
perplexe ou indifférent, préférant le silence à un éreintement convenu.
Cette approche originale de la critique qui se développe dans une
tension permanente entre l’intelligence du procès artistique et la
présence charnelle de l’œuvre qui s’avoue et se dérobe dans le même
mouvement, va se poursuivre à propos de plasticiens tels que Robert
Ascain, Denis Donesse, Claude Venard dont il salue « la facture
multiple, le travail multiforme de la pâte, un dessin au graphisme très
sûr et libre, une écriture qui se permet de nombreuses variations, une
recherche de la valeur et de la lumière qui se soumet au jeu des
couleurs, des demi-teintes, des gris, ces éléments séparés par l’analyse
ne le sont pas dans le tableau
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»,
Etienne Blanc, Willy Eisenschitz,
Odette Ducarre, Maurice Sartoux, Michèle Dolfi-Mabily, Théo Kerg…
Van Rogger : « Jamais nous n’avions éprouvé cette sensation : que la
pâte d’un peintre fût, à la fois, la matière de son cœur et de son
imagination créatrice motrice, l’engagement de la totalité de l’être, et
ses couleurs, au centre même d’une force, les fines facettes de sa
sensibilité
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».
Il intervient plus rarement dans la presse quotidienne au profit
d’une collaboration régulière à la revue
Sud
,
où nous trouvons
l’exemplaire description de
L’Hommage à Rimbaud
par Jean Amado
«
proue défiant la mer, la falaise, l’ivresse, corps chaotique et for
intérieur, un grand sphinx allongé au fond des solitudes que rongent
vainement le tropique et le temps
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».
Il intervient parallèlement dans
plusieurs catalogues d’expositions (Pignon, Tamari, Etienne Blanc).